La Wallonie, terre d’excellence du numérique ? C’est l’ambition affichée avec la plateforme Digital Wallonia qui regroupe les acteurs du numérique pour une vision globale de ce qui se fait en matière de digital en Région wallonne. Des missions économiques sont organisées sous sa bannière.
En janvier dernier, se tenait à Las Vegas le CES (Consumer Electronic Show), le grand rassemblement mondial de l’électronique à destination du grand public. Sous la bannière Digital Wallonia, une mission exploratrice de l’Awex emmenait 17 entreprises wallonnes. En février, d’autres sociétés wallonnes participaient au Mobile World Congress à Barcelone. Déjà en octobre et en novembre 2015, une double mission sur les villes intelligentes s’était rendue à Issy-les-Moulineaux, Strasbourg, Bordeaux et Nantes. Pilotées par l’Awex et sous la bannière de Digital Wallonia, elle comptait une septantaine d’entreprises, de villes, d’associations et d’institutions. Désormais, le logo fait partie de la stratégie globale de la Wallonie en matière de numérique. « Au plan du marketing et de la puissance business, ce changement de paradigme est énorme, souligne André Blavier, expert web & communication de l’Agence du Numérique. Digital Wallonia est une plateforme globale de services, une marque, au-delà d’une institution.»
Quel est l’objectif de la plateforme Digital Wallonia ? « Il s’agit de créer une identité et une marque fortes, fédératrices du digital, pour tous les acteurs du numérique en Wallonie et à destination des secteurs privé et public, des utilisateurs, du secteur du numérique lui-même, des entreprises, du domaine de l’éducation et ce, avec un seul site web en Wallonie. Cette démarche se rapproche de ce qui se fait en France avec la FrenchTech ou au Royaume-Uni avec TechNation. L’idée est que la marque soit utilisée demain sur les salons à l’international. »
4 000 profils d’entreprises, 25 000 contacts
La stratégie de la Wallonie numérique est issue des Assises du Numérique en 2015, avec le site collaboratif du Printemps du Numérique et la mise en place du Conseil du Numérique, présidé par Pierre Rion. « A l’Agence du Numérique, nous avons fait travailler 13 groupes de travail thématiques sur des propositions pour un plan stratégique. La stratégie a été adoptée fin décembre 2015. Les participants, entreprises, secteurs privé et public, ont amené des priorités. La première était de résoudre le problème de la dispersion des outils, de la multiplicité des initiatives. Le premier service de Digital Wallonia consiste à offrir une vision globale du secteur du numérique. Il a fallu le structurer, le développer et l’activer, notamment via une cartographie dynamique. Aujourd’hui, la plateforme rassemble 4 000 profils d’entreprises, 25 000 contacts, avec un système intelligent d’identification des sociétés. Il suffit de les taguer pour créer instantanément des catalogues virtuels ou des grappes technologiques. Tant les entreprises du secteur numérique lui-même que les entreprises développant des produits ou services liés (capteurs, sécurité, mobilier intelligent, plateforme open data pour les services) sont identifiées. Il est intéressant d’ajouter les laboratoires universitaires où des recherches sont menées dans le domaine, ainsi que les villes wallonnes ayant lancé des initiatives de smart cities. Nous allons peut-être rajouter des écoles qui proposent des formations spécifiques sur les objets connectés, par exemple. »
Fédérer les acteurs de la recherche
Digital Wallonia vise cinq cibles prioritaires. La première est le secteur du numérique lui-même. « Que des entreprises et services soient numérisés par des produits américains, anglais, français ou allemands ne crée pas de plus-value en Wallonie. Il faut de la recherche et du développement, ainsi qu’un secteur représentatif innovant pour que des entreprises numériques wallonnes phares soient envoyées à l’étranger. Ainsi, EVS est un acteur mondial incontournable pour les Jeux Olympiques et d’autres grandes manifestations sportives. Il en est d’autres. Avec la création du hub Digital Wallonia, l’idée est de fédérer tous les acteurs de la recherche travaillant aujourd’hui de manière dispersée. Aujourd’hui, si les outils permettent de travailler ensemble sans créer d’institutions physiques, il est indispensable que les acteurs de la recherche se concertent. Un fonds du numérique sera aussi créé pour les start-up. »
La deuxième cible concerne les autres entreprises, des secteurs de la construction, de l’agriculture, des biotechnologies, de la mobilité, etc. « Pour leur survie, ces secteurs doivent aussi devenir numériques. Avec les pôles de compétitivité, nous réalisons des actions de sensibilisation, de maturité numérique, pour que le développement de l’économie se fasse toujours davantage en connexion avec le numérique. Aujourd’hui, il est impossible d’envisager le développement des biotechs, de l’agriculture, de la distribution, de la logistique et d’autres, sans prendre en compte les dimensions numériques. »
Formation et smart cities
La troisième cible est le monde de l’éducation. « Cela comprend l’apprentissage du codage dans les écoles, mais aussi leur équipement, leur connectivité, le matériel fourni ou amené par les élèves et la formation des professeurs. Aujourd’hui, des compétences numériques fortes sont indispensables pour trouver un emploi. » La quatrième cible est le secteur public, avec des actions liées à la numérisation des prestations (formulaires en ligne, etc.). « Avec des tendances comme l’open data, c’est-à-dire le fait d’ouvrir les données du service public vers les entreprises ou des développeurs, etc. Un autre challenge énorme. » Enfin, la cinquième cible est territoriale. Importante et transversale, elle comprend notamment les smart cities. « Il s’agit de rendre le territoire wallon plus numérique. Cela couvre le très haut débit, la connectivité, la fibre optique, le fait que chaque citoyen, chaque entreprise, dispose d’une connexion à très haut débit fixe et/ou mobile partout en Wallonie, ainsi que les notions liées au territoire. Par exemple, quand on quitte la Wallonie et qu’on entre en France. Nous allons travailler à rendre les villes intelligentes et la santé connectée. »
Plus de visibilité et des missions économiques spécifiques
Quels sont les bénéficies concrets pour les entreprises wallonnes, qu’elles soient du numérique ou non ? « Les initiatives publiques et privées en matière de TIC sont alignées, intensives et visibles. L’écosystème numérique wallon est clairement identifié à l’intérieur et à l’extérieur. Les usages sont disséminés vers les différents secteurs, les écoles, les services public et privé, les citoyens… Les entreprises et les acteurs innovants sont identifiés, les activités soutenues. Les services de la plateforme sont ouverts et utilisables par tous. Avec la plateforme, chaque partenaire bénéficie de sa visibilité, de son attractivité et de son effet de traction, tout en préservant son identité et ses missions propres. »
Aujourd’hui, en Wallonie, plus de 500 millions d’euros sont rassemblés pour être consacrés en quatre ans à des actions en faveur de la transformation numérique de la Région. Ces moyens devraient se répartir de la manière suivante : 44 % pour le secteur du numérique, 30 % pour l’économie par le numérique, 19 % pour le territoire connecté et intelligent, 7 % pour les services publics et 20 % pour les compétences et les emplois. « Ainsi, en 2016, l’Awex a orienté spécifiquement des moyens sur des salons ou des événements liés au numérique. L’objectif du Conseil du numérique est de vérifier que le gouvernement suit bien ses engagements. A l’Agence du Numérique, nous allons nous occuper d’une gouvernance collaborative et intégrer l’Awex, des clusters, la fédération du secteur technologique Agoria et d’autres fédérations sectorielles. Dès la mi-2016, les catalogues d’entreprises, actuellement en français, seront proposés en anglais et en français. » La route virtuelle de Digital Wallonia a de beaux jours devant elle.
Jacqueline Remits
Cet article est issu de la Revue W+B n°131.