Vous êtes ici

Le chocolat de Laurent Gerbaud
Le chocolat de Laurent Gerbaud (c) Gerbaud

Chocolat. Le mot, déjà, fait saliver. On lui associe vite d’autres termes comme gourmandise, excellence, délice, plaisir intense, ou encore péché mignon. Les chocolatiers de chez nous sont aussi de bons ambassadeurs de notre art de vivre.

L’association entre notre pays et le chocolat est déjà une longue histoire. Elle s’inscrit notamment dans la logique des découvertes d’une jeune nation industrielle à l’avant-garde, et plus précisément les fèves de cacao qui entraient en Europe par le port d’Anvers. Les noms historiques du chocolat se bousculent à la charnière du vingtième siècle: Côte d’or (1883), Jacques (1896), Wittamer (1910), Callebaut (1911), Léonidas (1913). Depuis quelques décennies, d’autres chocolatiers ont donné de nouvelles lettres de noblesse à notre chocolat, en s’affirmant dans une démarche volontairement artisanale, dont les deux piliers sont la créativité et l’excellence du produit fini.

Le chocolat «made in Belgium» est ainsi plus que jamais l’un de nos meilleurs ambassadeurs de par le monde. On lui attribue à juste titre un raffinement sans pareil, lié à un savoir-faire qui s’appuie déjà sur le niveau de la qualité des ingrédients choisis et la sélection fine des fèves de cacao, mais aussi sur le soin apporté à la torréfaction et à une finesse de broyage sans égal. On peut ajouter à cela l’apport des connaissances scientifiques, dans des domaines aussi divers que l’agronomie, la biotechnologie végétale, la microbiologie, l’analyse du profil aromatique ou encore... l’impression 3D alimentaire.

On s’en doute, les envies de consommation sont une source permanente d’inspiration pour les différents acteurs du secteur. Elles orientent leurs choix sur de nombreux paramètres tels que la taille, l’emballage, le goût, la couleur, la texture, etc.  Quelques tendances de l’instant? On observe par exemple le grand retour des plaques de belle taille, qui sont ensuite débitées en morceaux vendus au poids. Ou, à l’inverse, les conditionnements dans de toutes petites portions où l’accent est mis sur un packaging très recherché. Voici encore le... chocolat cru, sans torréfaction ni cuisson de la matière première, fruit d’un processus de fermentation, de lavage et de séchage des fèves. Le principe consiste à développer un produit à base de chocolat, en contrôlant tout le processus de fabrication, de la fève à la barre. Et la rentabilité commerciale dans tout cela?  Elle doit de plus en plus faire cause commune avec la grande exportation et le potentiel offert par les économies émergentes. En Chine par exemple, on ne consomme actuellement que 100 gr de chocolat par personne et par an. Il suffirait que ce chiffre passe à  200 gr pour faire exploser la demande. D’une manière plus générale, on estime que l’on peut s’attendre à une progression de plus de 50 % de la demande dans les pays émergents d’ici 2019. Nos ambassadeurs chocolatés sont donc aussi devenus des hommes d’affaires avisés.

Une étude de Wagralim

Wagralim, Pôle de compétitivité Agro-industrie Wallonie, a publié récemment une étude basée sur la rencontre avec les différents acteurs de la filière chocolat, qui permet d’extraire certaines pistes de réflexion, de proposer des pistes et d’aborder des enjeux d’innovation qui font partie des défis à relever dans les années futures.

Jean Galler, 40 ans de chocolat

C’est à l’âge de 16 ans que Jean Galler a pris sa décision: sa vie baignera dans le chocolat. L’adolescent a déjà pour bagage les longues heures de travail dans la boulangerie-pâtisserie liégeoise tenue par ses parents. Il va entamer sa formation en Suisse, à l’école de chocolaterie de Bâle. Il poursuit son apprentissage chez Gaston Lenôtre, à Paris, où il obtient le titre de meilleur pâtissier. Un passage encore chez le pâtissier liégeois Groffy et ses célèbres misérables. Et puis, en 1976, l’opportunité se présente de racheter une chocolaterie à Clermont-sur-Berwinne. Le matériel est rapatrié à Liège, puis installé quelques mois plus tard à Vaux-sous-Chèvremont. La nouvelle chocolaterie s’appellera tout d’abord «Régal des fées» avant de prendre tout simplement le nom de son patron.

« Mon projet, c’était déjà de me différencier des autres » explique Jean Galler. Notre homme commercialise alors un (gros) bâton de 70 grammes, au lieu du classique de 45 grammes. Il va aussi explorer les goûts et les textures, notamment en donnant ses lettres de noblesse au chocolat blanc, décliné avec des pistaches fraîches, du praliné, de la noix de coco, du cointreau, ou encore en manon, mousse de café et éclats de noisettes. « Il y a aussi le blanc d’exception, ajoute le chocolatier, c’est sans doute le meilleur de la planète, présenté en tablette de 80 grammes ». La recette combine la vanille naturelle, la finesse du broyage, les arômes et la faible teneur en sucre. Notre homme attendra aussi dix ans avant d’intégrer les circuits de la grande distribution. « J’ai opté tout d’abord pour les circuits courts, avec un vendeur qui démarchait les boulangeries-pâtisseries de la région. Tout s’est donc déroulé très progressivement, avec un véritable travail de fond et le souci de conserver le caractère artisanal de la production ». La belle et bonne affaire poursuivra donc sereinement sa route, et la qualité du travail fourni va servir un développement rythmé par de nouvelles opportunités commerciales et des reconnaissances plus prestigieuses, comme ce titre de Fournisseur de la Cour décroché dès 1994. En 1976, le chiffre d’affaires était de 1 million de FB, soit 25.000 euros. L’an dernier, l’entreprise a atteint les 30 millions d’euros. Il y a quelques années, la famille royale du Qatar est entrée dans l’actionnariat de l’entreprise où elle est maintenant majoritaire, avec de nouvelles perspectives de développement. En Belgique, la chocolaterie liégeoise se déploie aussi sous la forme de 15 boutiques, dont la petite dernière s’est ouverte ce printemps à Gand.

Dans son atelier liégeois, Jean Galler est toujours à la recherche de nouveaux débouchés, notamment dans les domaines de la cuisine chocolat et des accords vin-chocolat. « Quatre personnes sont aussi affectées à la recherche et au développement, avec quelque 400 essais testés chaque année. Cela  permet déjà de proposer deux nouveaux bâtons au printemps  et deux autres en automne. Cette année, nous avons sorti le goût citron jaune et vert et le melon basilic. »

Une petite question qui nous démange: Jean Galler mange-t-il beaucoup de chocolat? « Disons que j’en mange régulièrement, avec toujours la même envie. Le cérémonial du matin est d’ailleurs incontournable: une tartine de beurre accompagnée de 4 morceaux de chocolat, goûts framboise, orange, mangue passion et banane. Et puis je goûte aussi la production de la veille. »

Jean-Marie Antoine

Cet article est issu de la Revue W+B n°132.

Le chocolatier Benoît Nihant en workshop
Le chocolatier Lionel Focant
Les chocolats de chez Darcis
La boutique Galler à Namur
Les pralines de Stephen Vandeparre

Pages