Le succès est-il un juste dosage entre talent, chance et détermination? Si c'est le cas, Pablo Henrard semble sur la bonne voie. Diplômé de La Cambre en 2013, il a été récemment sélectionné parmi les 10 finalistes du Festival de mode de Hyères 2014.
Dès les premiers mots échangés avec Pablo Henrard, sa douceur et son humilité sautent aux yeux. Du haut de ses 24 ans, ses allures de garçonnet fin et élégant tranchent avec son discours mature et assuré. Il est un amoureux des belles matières, du travail de la coupe et des ouvrages raffinés. Une passion qui le suit depuis sa plus tendre enfance: "Mon plus lointain souvenir remonte à l'âge de 6 ans. J'étais chez ma grand-mère et je regardais des cassettes de "Au Théâtre ce soir", dont Folle Amanda, avec Jacqueline Maillan. J'ai adoré les costumes, les boas et les paillettes! Ca m'a donné envie de créer des vêtements, ma grand-mère était à la couture et moi à la conception."
L'étoffe des génies
Originaire de Clermont-sur-Berwinne, à l'est de la province de Liège, Pablo est fils et petit-fils d'architecte, filleul de designer, et toute son enfance a été baignée par l'amour du dessin, de l'harmonie des formes, de l'histoire et des vieilles pierres. Autant de richesses qui, elles aussi, vont nourrir sa créativité. Mais il en fallait encore un peu plus pour combler sa soif d'apprendre: "Après ma journée au Collège Royal Marie-Thérèse, je suivais un cours de promotion sociale en couture et des cours de dessin à l'Académie des Beaux-Arts de Verviers. En 6ème, j'ai présenté mon TFE en néerlandais sur les Six d'Anvers, et j'ai obtenu mon diplôme. Je pouvais enfin intégrer une école de mode."
Bienvenu dans la famille "La Cambre"
On rentre à La Cambre par le chas de l'aiguille, seulement une vingtaine d'étudiants sont retenus au terme d'une épreuve d'admission de haut vol, où le potentiel de chaque prétendant est examiné à la loupe. "L'examen a duré 6 jours, c'était vraiment difficile et très fouillé. On sent qu'ils souhaitent découvrir des talents et que pour y arriver, ils décortiquent en profondeur les personnalités et aptitudes de chacun. J'étais l'un des plus jeunes admis. Je me suis senti encadré par une famille de professionnels passionnés et dévoués. Ils nous préparent à la vie future, à la structure d'une maison, c'est une formation très polyvalente."
La formation, c'est évidemment celle prodiguée par les enseignants, tous professionnels reconnus et engagés dans la mode et les disciplines qui y sont apparentées. Mais il y a également les stages, qui plongent les étudiants dans la réalité d'une maison. L'école et son réseau d'anciens étudiants sont dès-lors un véritable laissez-passer pour rejoindre des structures de renom. "J'ai effectué mon premier stage chez Jean-Paul Lespagnard, c'était une belle rencontre. J'ai fait beaucoup de recherches iconographiques pour la collection, ce qui m'a permis de comprendre ce qu'est un mood-board. Ensuite j'ai été chez Julien Fournié. J'y ai vécu l'ambiance d'un petit studio de haute couture dans la tradition parisienne. Mon troisième stage était chez Jean-Paul Gaultier, c'est une maison très humaine et donc une expérience d'une grande richesse. Et enfin, pour mon dernier stage, j'ai pu intégrer le studio Theyskens'Theory. Olivier Theyskens m'a laissé une grande place dans l'équipe. Ca s'est tellement bien passé qu'il m'a proposé de rester, mais je voulais aller jusqu'au bout de mon parcours scolaire."
Hyères et demain
La collection de fin d'année de Pablo, "Maelström", sera en partie achetée par Opening Ceremony, fondé par les japonais Carol Lim et Humberto Leon (aujourd'hui directeurs artistiques de la maison Kenzo) en 2002. Il pose alors sa candidature pour le Festival international de mode et de photographie de Hyères, avant de rejoindre Cédric Charlier à Paris. "J'étais à mon 4ème mois d'essai chez Cédric quand j'ai appris que j'étais sélectionné pour Hyères. J'ai alors choisi de quitter le studio pour reprendre ma collection "Maelström", et la retravailler pour la présenter au festival. J'avais envie de revisiter le vestiaire masculin. L'idée était de donner l'opportunité aux hommes de se sentir élégants et sexys sans pour autant perdre leur masculinité. Les vêtements, drapés sur mesure, créent un mouvement autour du corps, ce qui donne un résultat très organique."
Pour Pablo, Hyères fut avant tout une reconnaissance et l'assurance d'ajouter des contacts privilégiés à son carnet d'adresses.
Les rêves de boas et de paillettes d'un garçon de 6 ans se sont transformés en une vocation accomplie. Exigent et déterminé, Pablo a mené à bien chaque étape de son parcours, s'offrant de nombreuses opportunités d'avenir. Ce jouvenceau de la haute couture est définitivement entré dans la cour des grands et fait désormais partie de la nouvelle génération des créateurs wallons, que l'intelligentia de la mode ne compte pas perdre de vue.
Cet article est tiré de la Revue W+B 125, à laquelle vous pouvez vous abonner gratuitement.